Pourquoi certaines entreprises manipulent-elles donc leurs comptes ? Les raisons sont multiples : pour ne pas montrer une baisse dans leur profitabilité, pour éviter que le prix de leurs actions ne chute sur le marché boursier, pour payer moins de taxe et ainsi ne déclarer qu’une partie de l’argent qu’ils reçoivent, pour appâter les actionnaires et les créanciers qu’elles ont beaucoup plus de valeur et pour donner une bonne image de la compagnie, avancent plusieurs observateurs.
Plusieurs subterfuges sont alors utilisés par des compagnies pour maquiller leurs comptes. Notre professionnel en service conseil élabore sur la question : « Certaines compagnies changent alors de ‘accounting standards’. Nous avons d’autres entreprises qui contractent des emprunts et au lieu de passer les intérêts sous l’item « profits and loss », ils capitalisent ces intérêts.
Ce qui a pour but d’augmenter la valeur de leurs actifs. Nous avons aussi parfois des compagnies spécialisées dans l’immobilier qui font une réévaluation de leurs propriétés chaque trois ou cinq ans et passe cet item dans leur « profit & loss account ». Ce qui a pour effet d’augmenter substantiellement leurs profits », explique le professionnel du métier.
Rien d’illégal
Or, fait-il ressortir, ces techniques n’ont rien d’illégales. « Il y a des ‘accounting standards’ qui permettent de traiter les balances de manière différente. À titre d’exemple, il est permis de capitaliser les intérêts », explique-t-il. Le hic, souligne-t-il, ce que ces « manipulations » de comptes induisent en erreur les investisseurs et les créanciers. « Les investisseurs sont sous l’impression que l’entreprise est au top de sa forme alors que ce n’est forcément le cas. Ils risquent aussi de prendre des mauvaises décisions », explique notre interlocuteur.
Campagne de sensibilisation
Qui sont donc à blâmer ? « C’est le management de l’entreprise qui décide de maquiller les comptes. Pour cela, il bénéficie de la complicité des comptables ou des auditeurs. Or, c’est la responsabilité du comptable de respecter le code d’éthique où priment l’intégrité, le professionnalisme, l’honnêteté et l’objectivité », avance Jean Max Appanah. Certains professionnels, déplore-t-il, n’ont pas le courage de dénoncer leurs clients.
« Pour ne pas décevoir leurs clients, certains cabinets sont prêts à faire des choses pas très honnêtes. Au niveau du management, on préfère garder le silence sur ces pratiques vu que les membres du board constituent souvent un groupe de petits copains », soutient Jean Max Appanah.
Selon lui, il y a toute une campagne de sensibilisation à faire à ce niveau. « Les autorités doivent surveiller de près les bilans des compagnies surtout de celles listées en Bourse », recommande un professionnel du métier. « Il faut également appliquer et faire respecter la loi car c’est l’ensemble de la profession de comptabilité et de l’audit qui est mis à l’index », ajoute Jean Max Appanah. Un avis que partage également l’économiste Vishal Ragoobur : « La profession comptable est très respectée et doit savoir maintenir la confiance qui est placée en elle si on ne veut pas que les investisseurs doutent de la fiabilité des bilans financiers des entreprises.
Si le management ou les dirigeants d’une entreprise veulent s’engager dans une pratique allant à l’encontre des procédures, c’est le rôle des professionnels même s’ils sont employés par ces entreprises de tirer la sonnette d’alarme. Un professionnel qui se respecte ne peut être complice de ces actions ». Et de conclure : « Ceux qui falsifient les comptes doivent répondre de leurs actions. Il faut ‘name and shame’ ceux qui manipulent les bilans peu importe que ce soit des cabinets de réputation internationale ou des comptables qui opèrent à leur propre compte. »